Dans l’univers des traditions moaga, les animaux ne sont pas de simples créatures. Ils sont détenteurs de secrets, médiateurs entre les mondes visibles et invisibles, compagnons parfois méconnus du destin des hommes.

Parmi eux, l’oryctérope, connu sous le nom de Tanturi en mooré, occupe une place particulière.

Également appelé Gaadre en raison de sa capacité à creuser la terre avec une rapidité impressionnante, cet animal mystérieux est aujourd’hui si rare que beaucoup de jeunes générations n’en connaissent que le nom, sans jamais l’avoir vu.

Le Tanturi : gardien de la sagesse naturelle

Selon les récits transmis par les anciens chasseurs, aujourd’hui disparus, le Tanturi est un génie de la brousse, un être qui maîtrise les arcanes de la nature.

Il est dit qu’il connaît les plantes médicinales, les antidotes contre le venin, et qu’il a révélé de précieux secrets de guérison aux hommes dignes de recevoir ce savoir.

Le Tanturi n’est pas qu’un animal : c’est un initié.

Parfois, il abandonne son apparence animale pour se métamorphoser en vieillard, en femme égarée ou en berger mystérieux, testant ainsi la vigilance des chasseurs ou des voyageurs.

Pour le reconnaître sous ses déguisements, il faut être soi-même initié aux mystères de la nature.

Un pacte de silence brisé

Mais cette amitié entre le Tanturi et les humains a toujours été fragile.

Après avoir transmis son savoir, le Tanturi devait être tué par celui qui recevait ses secrets.

Selon certaines traditions, c’était un geste de protection : si l’animal restait en vie, il pouvait se retourner contre le chasseur, le perdre dans la brousse ou l’entraîner dans l’invisible.

D’autres récits affirment que les chasseurs tuaient le Tanturi pour préserver jalousement l’exclusivité du secret reçu.

Les animaux, piliers de la spiritualité moaga

Dans la tradition moaga, chaque animal est porteur d’une essence spirituelle.

Le lien entre les Mossé et les animaux dépasse le simple rapport utilitaire : c’est une relation sacrée, faite de respect, de crainte et de reconnaissance.

Ainsi, le lion, le lièvre, l’oryctérope, le crocodile ou encore le varan sont autant de figures à la fois respectées et redoutées, intégrées dans des pactes ancestraux, des totems et des interdits.

Ces croyances rappellent que les animaux et les humains partagent une même trame de vie, tissée par des alliances invisibles, des épreuves de loyauté et de sagesse.

Préserver la mémoire des mystères

Aujourd’hui, alors que les traditions se perdent et que le Tanturi disparaît, il est urgent de réhabiliter cette mémoire spirituelle.

Car dans chaque histoire d’animal magique, dans chaque secret transmis au détour d’un sentier, se cache un fragment de l’âme moaga, cette sagesse millénaire qui enseigne que l’homme n’est pas maître de la nature, mais son frère, son élève, son gardien.